à la campagne

04 dec. 22

Je retrouve ce texte daté de cet automne…

Le jardin s’est battu cette année, contre une sècheresse inédite. Les premiers signes peut-être de temps plus difficiles. il va nous falloir adapter nos façons de faire autant que nos façons d’être. Prendre en compte les erreurs accumulées et tenter de réparer ce qui peut l’être encore.
Lorsque j’avais 15 ans et que j’entrevoyais d’être potier, je pressentais qu’au-delà d’un travail, c’était toute une façon de vivre qu’il me faudrait mettre en place. Faire de la céramique, c’est d’abord travailler la terre. Une fois cette banalité énoncée, on comprend bien que si on veut le faire avec un minimum de sens, il faudra affirmer tous les choix qui le permettront. Le rapport à la nature, au jardin, aux animaux, vont rentrer alors dans ce grand concert. Gamin des villes, je me voyais partir à la campagne et mener une vie rudimentaire … et c’est ce qui s’est passé ! Sans tomber dans des images misérabilistes. Sans se vautrer dans un romantisme déplacé.
Les principes de décroissance sans qu’ils ne fussent clairement évoqués, me servir de ligne de vie : ne pas trop consommer, vivre dans une certaine économie de moyen, faire avec ce qu’on a. Ces idées m’ont fait me fabriquer mes outils et préparer mes terres. Et puis finalement elles ont drainé tout mon travail.

C’est l’automne.
La saison du glanage.
Nous ramassons habituellement les pommes de terre et les oignons laissés sur le champ par les machines trop rapides. Les amis cultivateurs nous préviennent toujours lorsqu’ils récoltent. Un peu coupables de laisser à terre autant de légumes. Mais ça fait notre bonheur, le glanage est un acte nécessaire. Éthiquement nécessaire.
Aujourd’hui, alors que l’on parle de récession, tout ça a l’air normal, évident même. Il a pourtant fallu résister durement pour ne pas se laisser happer par les technologies brillantes et avides d’énergie. Il a fallu clamer haut et fort notre volonté de vivre dans une confortable sobriété. Il n’y a rien eu d’héroïque là-dedans… Juste le déroulement d’une vie armée d’une croyance inébranlable en l’expérimentation. Nous voulions tout essayer et surtout, ne pas suivre la voie de nos parents.

Ce matin j’ai épandu un peu de fumier après avoir dérouiller le matériel qui n’avait pas servi depuis l’année dernière et qui était malheureusement resté stocké dehors. Puis je suis allé voir les bœufs. Vérifier que tout est en ordre. Il fallait aussi ramasser les quelques noix qui tombent tous les jours et tenter de tuer les frelons asiatiques qui constamment harcellent les abeilles.

L’après-midi puisqu’il a plu j’ai refait des dessins en écoutant les podcasts d’Annie Ernaux.

Je ne suis pas encore retourné dans l’atelier de terre. Je reste pour le moment près des livres, le temps viendra de remodeler les images qui s’accumulent.

octobre 2022