deux jours d'intervention

08 dec. 13
J'ai passé deux jours dans l'atelier de ceramique  de l'école Duperré.

Deux jours à parler et à dévoiler, un peu, ce qui fait  ma vie. C’est l’occasion pour moi, d’affiner des notions. De mettre des mots plus précis sur mes obsessions, et parfois de comprendre certaines articulations dans mon travail… des choses faites avec intuition, qui se décodent à force d'en parler.
 Quand on pénètre dans l'atelier, on a l’impression d’entrer dans un atelier personnel. Le bazar y règne un peu. Beaucoup d’objets y trainent, témoins de travaux antérieurs.  Les anciens outils restent présents, couverts un peu, de la poussière du temps. Seuls les espaces de travail restent toujours libres. L’enseignement a du y être plus technique, et tout l’atelier témoigne finalement de toutes nos questions face à cette pratique. Que garder du passé ? Comment trouver une voie nouvelle qui prendrait en compte tout ce qu’on nous a enseigné…  et toute l’histoire qui nous précède ? Et que faire des outils ? Que faire aussi de notre actualité ?  J’ai découvert avec étonnement qu’il y reste un four à bois que l’on cuit tous les ans. C’est certainement la dernière école à posséder ce type de four à Paris.
La question que je me pose constamment dans ce type d’intervention et celle du travail : dois-je ou non me mettre à modeler, faire des sculptures devant les étudiants ? En général je m’y refuse, persuadé qu’il ne s’agirait que de simulacre. J’ai besoin  d’être seul pour travailler… seul et concentré. Il faudrait plus de temps et l’énergie, pendant les rencontres avec les étudiants, va dans l’autre sens, s’extériorise et je ne peux du coup, que me consacrer à eux.  Qu’est ce qu’enseigner alors, si ce n’est pas montrer? Peut –être simplement transmettre des questions ! Ou ramener toutes nos histoires à des situations communes, banales, partagées. Dire aux étudiants que nos angoisses sont les mêmes et qu’on fait ce qu’on peut devant des problèmes qui nous submergent … mais qu’il faut absolument faire ce qu’on peut ; que rien ne sert de se défiler. L’art est un affrontement personnel  qui nourrit nos vies, et  si on ne se coltine pas à cet affrontement, alors,déjà, on organise la fuite. Les termes ont été évoqué de "maitre ignorant": celui qui ne represente pas le savoir mais qui peut aider à construire sa propre vision du monde, à repérer ses propres besoins. Une seule chose est sûre : le chemin que je défriche n’a de sens que pour moi,  mais je peux  par moments  faire un bout de ce chemin avec d’autres.  Accompagner.  Etre avec … retrouver la communauté.

Une question reste en suspend, posée par une des étudiantes : Peut-on parler de passion ?  Si la passion n’est affaire que d’affects ; alors non ! Si la passion est subie et destructrice ;  alors non;  je ne parle de tout ça qu’en terme de nécessité, il m’est impossible de faire autrement, mais c’est ce qui me construit Ce qui m’aide à me comprendre  et à voir ce qui m’entoure.  « l’art rend le réel visible »  nous disait Paul Klee. Peut-être faut–il étendre  le plus possible la notion du réel ? L’étendre à toute notre complexité devant laquelle l’art nous place.