Du collectif

22 jan. 23

La demande de l’usine Utopik (centre d’art contemporain),

était de mettre en place une exposition collective de céramique actuelle.
J’ai donc invité quelques artistes de la région proche. Des personnes qui me semblaient avoir un parcours suffisamment expérimental. Et je leur ai fait une proposition totalement collective où tout serait discuté en commun ; sans chef. Le directeur du centre d’art nous avait dit qu’il fallait un patron. Je leur ai dit que le contraire pour moi était toujours préférable. Le catalogue est parti en impression. Je livre là le texte d’introduction.


Nous / autres

« Connaitre ne signifie pas se soumettre au connu » (1).
La céramique est une pratique ancestrale qui trouve une voie contemporaine dans de nouvelles approches. Tous les artistes présents dans cette proposition passagère partagent la même soif d’expérimentation, le même intérêt pour la recherche personnelle d’un chemin qui permettrait d’éclairer un petit bout du monde. La technique ici ne se définit pas. Elle est un contournement poétique du problème posé … la mise en place de possibilités incluant l’accident, les ratés et débroussaillant les abords d’une esthétique incertaine (2). Tout est affaire de choix personnel. Et pourtant tout peut se partager, considérant qu’une image de la pratique peut, peut-être, apparaitre dans les interstices. Entre nous. Entre nos propositions. Et qu’elle n’aura de réalité que dans ce contexte.

Tout faire par la terre (tout foutre par terre).
Les formes sont singulières et empreintes de racines communes. La relecture de l’histoire et la découverte de nouveaux espaces d’expression nous amènent à échanger nos points de vue dans un compagnonnage sans rituels. L’engagement est sans mesure. Apparait le sentiment que cette histoire pourra, pour un moment au moins, occuper le centre de nos vies.
Préparer la terre, la façonner, la cuire.
Dans tout ce grand chambard des éléments, la main est omniprésente. Les traces en témoignent. Les souvenirs de l’artisanat ne sont jamais bien loin, et pourtant les préoccupations nous sont toutes très actuelles.
La terre en ligne de mire, une obsession qui nous relie : la terre au centre du regard.
Notre temps commun est un temps ralenti, commandé par les séchages et les cuissons. L’atelier est le ventre de nos pratiques, l’antre de tous les désirs. Tout s’y passe : tous les rêves s’y déroulent et toutes les tentatives. La matière y est seule source d’une pensée qui se construit dans l’expérimentation et la confrontation des résultats produits ouvre pour chacun, de nouveaux champs possibles. L’occasion de trouver dans l’aventure personnelle les motifs d’un partage.

L’exposition devient alors une nouvelle étape qui sera elle-même remise en question aussitôt proposée à notre regard et aux regards des autres.

(1) Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio « ce qui ne peut être volé » Tracts Gallimard 2022
(2) MAM paroles d’expert podcast entretien avec Thomas Golsenne.

Image : collection de poignées de mains réalisée lors de ma première visite dans le nouvel atelier d'Anne Bulliot. Novembre 2019.