jean rostand 02

18 may. 13
La grande question posée, c'est : "à quoi ça sert?"

 On pourrait bien sûr passer outre et  penser que vraiment  ils ne comprennent rien . … C'est pourtant la question la plus importante. Celle qui peut faire que l'on choisisse ou pas d'aller passer du temps dans les écoles, pour montrer, démontrer par le travail que tout ça, sert à construire notre propre pensée. Il ne s'agit pas de culture, il ne s'agit pas de savoir … mais  simplement d'observation : regarder, sentir, écouter, gouter, toucher, telles sont nos armes pour faire face  au monde. C'est par nos sens d'abord, et par eux seuls  que nous pouvons  comprendre  ce qui nous entoure, ce sont nos sensations qui nous renseignent. Alors, à quoi ça sert ? A voir, tout simplement, à voir, à sentir, à toucher encore plus, car plus on pratique et plus on est aptes à voir encore plus loin, toucher plus finement.  Nos organes sensoriels  accumulent et capitalisent les informations  et c'est sur le souvenir de ces expériences que nous pouvons construire; L'exercice, pour nous qui faisons, est le même que pour ceux qui regardent nos travaux. C'est pour ça que j'essaye d'avancer dans le monde des formes, expérimentant  pour accéder à des résultats improbables, impensables,  des formes nouvelles qui apparaissent et me font ainsi découvrir une part du monde qui m'était encore inconnue. Voilà pourquoi je vais dans des écoles : Pour dire aux élèves qu'il y a d'autres chemins que le savoir répété, qu'il existe des sentiers plus aventureux  … et si au bout de la semaine j'ai pu dire à deux ou trois d'entre eux  qu'il ne faut pas trop avoir peur, qu'ils ne sont pas seuls à sombrer dans les doutes … et  qu'on peut  malgré tout  chercher dans les matières du mondes, fouiller et  découvrir  des voies qui empliront nos vies. Leur dire qu'il faut résister à la tentation  se tenir à l'écart du spectaculaire, loin du brillant. Leur dire que c'est  le banal qu'il faut  regarder car c'est ce qu'on partage, le banal et l'intime : ce qui nous est commun. Si au bout de la semaine j'ai pu, comme ce fut le cas, partager ça avec deux ou trois élèves, alors, j'ai l'impression d'avoir fait ce pourquoi je suis venu. Je n'ai rien à leur apprendre, rien à  leur prouver … juste  faire ce que tous les jours je fais ... mais pour une fois le faire devant et à côté d'eux, pour qu'il prennent le droit de le faire à leur tour. Je parlais avec l'un d'eux de mes années  de lycée. Je refusais alors les apprentissages, je ne voulais pas savoir, mais essayer … partir et tenter de vivre une vie qui se construirait sur mes refus. Je lui disais combien alors je m'ennuyais .."ah, vous aussi" me dit -il! "alors , je pourrais être sculpteur! "… et qui l'en empêcherait?