les images

30 nov. 20

Impossible de rendre compte.

La photographie, n’offrant au regard qu’un point de vue, ne peut dire ce qu’est le pot ou la sculpture. Il faudrait, en en faisant le tour, accumuler les images comme des fiches de renseignements. Mais là encore, nous n’aurions que plusieurs flashs d’une vision qui nécessite lorsque l’on regarde, un constant mouvement de l’œil.
Pour fabriquer un pot il faut sans cesse se déplacer : les allers-retours et les circonvolutions permettent au corps de construire la forme dans l’espace. Si cette « danse » est indispensable à la construction, elle l’est aussi à la lecture de la pièce présentée. S’éloigner, se rapprocher, en faire le tour et focusser d’un coup d’œil sur un détail. C’est la somme de ces tâtonnements qui permettra de se faire une idée de l’ensemble. La multiplication des points de vue et la découverte tactile des surfaces grandiront le lot d’informations.

Regarder un objet c’est en vivre l’expérience physique, en ressentir son rayonnement. L’influence qu’il a sur l’espace immédiat, le silence, la lourdeur, et comment il modifie les battements de notre cœur.
Tout est toujours affaire de corps.
L’œil seul ne suffit pas.
Les yeux, ne suffisent pas.

Les brillances du plomb travaillées dans les dernières pièces ne sont pas regardables. Elles fuient à chaque fois que l’on cherche à les voir et l’œil ne cesse de changer d’angle, de bouger pour trouver la lumière indirecte et construire une image au-delà des reflets. La photo est alors trop statique. La vidéo peut-être pourrait tenter l’approche ? Mais là encore, la lumière et la camera devront sans cesse bouger si l’on veut tout voir.
Et peut-être finalement qu’on ne voit jamais tout.
Il y a ce que l’on voit et ce que le cerveau construit de ce qu’on ne peut voir.
Il y a ce que l’on voit et ce que les mains nous disent de ce qu’on ne peut voir … mais il y a toujours ce qu’on ne peut voir : la part de rêve de l’objet.

Les japonais photographient toujours le bol à l’envers pour qu’on voit le dessous - la terre et le pied, cul par-dessus tête. C’est toujours un peu plus d’informations mais cela ne suffit certainement pas encore. Et il reste la pièce… et la photo qu’on en fait. Même si je m’astreins à systématiquement documenter les pièces terminées, toutes les images que je prends me semblent imparfaites, insatisfaisantes. Il en ressort une grande frustration provoquée, je sais, par l’impossibilité d’accéder, par l'image, au corps intime des choses.

image : deux bols, terre vernissée, 2020