retour sur l'exposition de giroussens

03 nov. 12
Retour sur l'exposition de  giroussens, le souvenir que j'en garde …

peu de découvertes, peu de surprises, et puis quel ennui devant les pièces des japonais si … futiles, si maigres! 
Il y a un peu plus de trente ans, j'organisais avec Yvan Zékar une des premières rencontres  autour de la pratique du raku. Cette expérience fut à l'époque renouvelée trois fois. Puis il y a quelques années le musée de Sarreguemines réitérait cette invitation … peu de choses ont changé à chaque fois beaucoup des exposants étaient les mêmes  … peut -être même que la difficulté à trouver de nouveaux exposants s'agrandit? Pourquoi alors s'acharner à regrouper des artistes sous cette définition?  Tout ça  renvoie une image assez statique de notre histoire … comme si rien vraiment ne changeait.

Le raku, au début des années 80, a ouvert les portes des ateliers au bricolage.  Les premiers livres d'Hal Rieger puis les premiers textes de Camille Virot nous donnèrent le droit d'expérimenter sans gros soucis de solidité. Cette idée de fragilité était vraiment nouvelle, alors que partout on apprenait à faire du grès  et que Daniel de Montmollin nous parlait de minéralogie et de dimension géologique de la poterie  …  On pouvait  tout essayer avec si peu de matériel. Les résultats (qui parfois disparaissaient très vite) étaient si excitants. Je me souviens qu'alors on avait décidé, Yvan et moi,  de ne pas limiter l'exposition au seul raku mais d'y adjoindre quelques approches de terres enfumées développées en grande partie autour de Jean Biagini  à l'école D'Aix en Provence, car déjà, certaines démarches s'éloignaient de la stricte observance des préceptes ( les travaux de Daphne Corregan et  de Gilles Suffren s'annonçaient fortement ).  Certains, parmi les artistes alors concernés, ont continué à  travailler dans une ligne en filiation directe avec le raku, développant  une écriture personnelle. Puis d'autres s'en sont éloignés, définissant d'autres contours, d'autres approches.  La spiritualité du japon, à l'égard de la céramique, nous a tous ébranlé, mais les démarches de chacun se sont affirmées sans volonté de répondre à la définition du raku tel qu'il était pratiqué par les japonais. Les conflits autour de la prédominance du fond ou de la forme se faisait ici aussi sentir à travers les tiraillements entre la "voie japonaise" et la "voie américaine". Trente ans plus tard, c'est le bricolage qui a gagné, et nombre de céramistes se servent de cette liberté pour cuire des pièces dans des fours  parfois totalement improbables ! (je pense là, à Coralie Courbet). En tout cas, tout notre rapport à la technique s'en est trouvé bousculé.  Voilà ce qu'il aurait fallu retenir je pense : Non pas faire un constat de ce qu'est le raku aujourd'hui, mais de chercher ce que le raku a créé comme racines nourrissant la ceramique actuelle … Ce que les écrits de Camille ont pu  déclencher  ( je pense ici à Patrick Loughran qui me disait l'autre jour, combien il est attentif à ces écrits ). Comment le passage de Paul Soldner  a permis à quelques uns de se lancer  dans de nouvelles voies (Jean Pierre Viot et Haguiko le disent, mais j'en suis aussi!). C'est toute cette mouvance qui me parait importante. Aujourd'hui les céramistes ont digéré  l'histoire, ils ont défriché de nouveaux chemins plus aventureux,  des chemins où les matériaux et la pratique sont à l'origine de la pensée qu'ils construisent. Beaucoup de céramistes  issus(es) de ces idées développent un travail que l'on ne peut plus appeler "raku", mais qui pourtant a tout à voir avec cette histoire (Ainsi le travail d Anne Bulliot qui s'écarte même maintenant de l'enfumage). 
L'obéissance à la tradition ne produit que des objets vides de sens. Revenir aux sources peut paraître important, mais  dérouler le fil de l'histoire pour mieux  comprendre notre actualité est surement plus utile … J'espère donc voir un jour  une exposition qui rapprocherait des travaux d'une manière moins technique, cherchant davantage à comprendre les mouvements de rapprochement et d'éloignement qui nous animent.

Puis une question d'un coup se pose … Mais où sont les femmes de tous ces  potiers japonais? !!! Beaucoup de femmes céramistes japonaises ont eu visiblement besoin de s'éloigner de tout ça pour construire des choses, là aussi, loin des traditions.