Akeldama
Je reprends petit à petit le chemin de l’atelier après quelques mois d’infidélité !
J’ai profité de ces semaines de grand beau temps pour refaire toutes les peintures extérieures qui n’avaient pas été refaites depuis pas mal d’années. Puis je commence à mettre en place toute la logistique pour reprendre le travail autour d’une installation, sur un sujet qui m’interroge depuis toujours : la damnation de l’argile des potiers. Cette sourde idée qu’il y aurait une bonne terre et une mauvaise : la glaise, celle qui colle aux godasses et qui fait les culs terreux.
C’est toute la logique du travail sur la sculpture-jardin de Coutances qui m’a remis sur ces voies … depuis quand un potier se préoccupe de jardinage ?
Le « champ du potier » ou « champ du sang »
Je me tourne pour une fois vers le Livre.
En repentir, Judas décida de reverser les trente pièces d’argent qu’il gagna en échange de la dénonciation de Jésus, aux apôtres afin d’aider à la construction du temple. Ne voulant utiliser cet argent salement gagné pour le temple sacré, les apôtres décidèrent d’acheter avec cet argent, le « champ du potier » sur lequel ils établirent un cimetière pour les étrangers.
On raconte que Judas s'y pendit (Matthieu 27, 3-8). On raconte aussi qu'il s'y vida de toutes ses tripes (Acte des apôtres 1, 18). L'argile à jamais souillée de la pourriture des entrailles du traître. Le « champ du potier » devint alors « le champ du sang ».
Le champ du potier… le champ de la mauvaise terre au sein de laquelle on pourra enterrer les étrangers et sur laquelle on construira par la suite un monastère … de femmes !
Le champ acheté avec l’argent de la trahison servira donc de cimetière. La terre des paysans nous nourrit, celle des potiers recueille nos dépouilles. L’argile du potier est la terre des enterrements ( Keramos le cimetière du Céramique -quartier des potiers d’Athènes- ).
L’installation « Akeldama » ( La terre du sang en Araméen) sera constituée de trente urnes cernées d’une multitude de pierres rouges et d’un ensemble de briques crues disposées comme une tentative de construction. (un peu comme dans l’installation « demeures » ).
Sitôt rentré de Montréal, il sera temps de me remettre au travail … temps de refaire des pots, temps de refaire des briques, temps de refaire des pierres.