allumer le feu
Il y a 25 ans
je menais, avec tous les élèves de Saint Aubin sur mer, un travail en terre cuite pour accompagner pendant toute une année scolaire la construction de la nouvelle école. A la demande de l’architecte, nous voulions poser sur le local de la chaufferie situé initialement entre les deux entrées des écoles, des éléments de céramiques. Nous avons construit des fours, et travaillé toute l’année sur le passage du dessin à l’écriture, la symbolisation du signe. Témoignant ainsi de ce passage de l’école maternelle à l’école élémentaire… Tout était prévu pour que ce travail reste en place 10 ans .. le temps de la scolarisation du plus jeune élève. Tout était prévu pour que certaines pièces s’abiment ( les maisons en particulier) et qu’ainsi apparaissent quelques secrets cachés dans des couches plus stratifiées. C’était sans compter le sérieux avec lequel tout a été réalisé par ces enfants … tout est plus solide que je ne l’avais alors imaginé … et le mur en place depuis 25 ans n’a perdu que quelques menus détails.
Les carreaux sont pour chaque classe de la taille de la moyenne de l’empan de la main (distance entre le pouce et l’auriculaire ) … ce qui fait qu’aucune des tailles n’est multiple d’une autre et que la pose s’avérait alors compliquée. C’était, une fois de plus, sans compter le savoir faire d’un maçon portugais à qui j’avais exposé le problème et qui me dit en montant sur l’échafaudage : ”pas de problèmes, passez les pièces une par une, et ça se fera” … je le voyais discrètement mettre les petits morceaux qui se cassaient, dans sa poche et les ressortir lorsqu’un vide paraissait un peu trop présent. Je voyais chez cet homme toute l’histoire des azulejos … tout le passé carreleur de cette culture qui a rendu la pose possible facilement, et qui fait qu’aujourd’hui alors que je reviens vers cette école de bord de mer, je retrouve ces pièces et je revois la joie des enfants modelant et inventant des alphabet secrets. Je les revois cuire avec acharnement et j’entends ce petit garçon qui me disait ”c’est la première fois que je peux mettre le feu à l’école!”… c’est vrai qu’enfant, j’en rêvais aussi!