C'est comme ça
Hier matin une brebis est morte.
Ça faisait deux, trois jours qu’on la soignait … un peu à son corps défendant puisqu‘elle refusait de s’alimenter. Hier matin on l’a retrouvée morte dans le buret où elle etait isolée.
Il a fallu commencer la journée en creusant un trou. Nos brebis sont enterrées à la maison. C’est comme ça. J’ai donc commencé la journée la bêche à la main. Creuser une tombe, c’est consacrer un peu de temps à la mort d’un animal dont la présence nous a accompagnée quelques années.
Prendre un peu de temps et se concentrer dans l’effort. Ça remplace grandement les prières !
La terre est franche dans les herbages. Il n’y a pas de pierres, pas de racines non plus. On est en pleine terre à betterave : le lœss de la plaine de Caen, juste avant le schiste du massif armoricain. La fracture passe à quelques kilometres de la maison.
Le lœss servait aussi à bâtir. On en faisait les murs. Le schiste était débité en ardoises pour les toits.
Le trou pour la brebis est juste en terre. En terre jaune.
il faut d’abord découper l’herbe en pavés et ensuite creuser de 3 ou 4 fers de bèches de profondeur. On pourrait définir les dimensions du trou en fers : 8 fers de long sur 4 ou 5 fers de large. A partir du troisième fer de profondeur, il faut descendre dans le trou pour continuer. C’est une sensation étrange : être à la place de l’enterré.
il a beaucoup plu ces jours-ci, et la terre est détrempée. Le travail en fut plus facile.
La mort des animaux fait partie de la vie des éleveurs. C’est comme ça. On la sait inéluctable, et notre travail consiste à la repousser le plus possible. Mais régulièrement on s’y confronte et cela nous renvoie toujours aux prémices de notre propre fin.
Qu’en sera-t-il alors de la mort des éleveurs ?