la bouteille d'Alain
J’ai quelques fois parlé des bouteilles avec Alain Gaudebert.
Surtout depuis que j’ai découvert les deux pièces trônant sur le manteau de la cheminée de la cuisine de Viviane à Lousbeni. Deux petites pièces très fortes … et très simples
Peu de potier travaillent sur cette forme … ou alors, en en changeant le format pour en faire un objet plus décoratif. Mais peu s’attaquent à ce travail si peu spectaculaire. J’ai reçu hier une bouteille en cadeau! Une pièce de la dernière cuisson que m’envoie Alain, après avoir vu le film de Laurent et en gage de sympathie, suite aux échanges que nous avons eu.
La bouteille d’Alain, n’est pas très grande (l’objet tient dans une boite de bouteille de whisky dans laquelle elle m’est arrivée.). Elle dépasse légèrement l’empan de ma main droite, ce qui correspond à un peu plus de 20 cm. Le diamètre n’excède pas 6,5 cm ce qui rend la pièce très facile à tenir. Le modelage est bosselé, vivant, et la forme générale très légèrement sinueuse, dodelinante. Elle semble, vue d'une face, constituée de deux cylindres approximatifs, encastrés l’un dans l’autre maladroitement, ce qui la rend plus végétale que minérale. De l'autre côté, la forme est plus monolithique. Irrégulière, elle ne semble pourtant pas avoir été fabriquée rapidement. Peu d’épaule, pas de ventre. Le pied est marqué et le col épais s’ouvre sur des lèvres fines et dansantes à l’espace, laissant béant un goulot de la taille de celui d’une bouteille de vin. La pièce est très dure, témoin d’une cuisson à haute température - dans un four à bois, me semble -t-il. La couleurs grise est très foncée et me rappelle certaines vases peu attrayantes au premier regard … les nuances sont profondes et sourdes. On sent la matière chargée d’oxydes … très cuite et posée en deux fois ( avec un retour sur le haut de la bouteille) dont l’excès d’épaisseur provoque quelques dégoulinures ajoutant à la sensibilité du modelage. Quelques reflets bleus et rouges (certainement dûs à la présence de cuivre) animent ce fond de ciel orageux. L’émail est un peu bullé par endroit, juste assez pour que la main sente ces irrégularités, mais l’ensemble est fondu en une glaçure satinée éclairée par quelques reflets brillants discrets. Un tout petit peu de terre chamois (une terre à grès chamottée) est visible au bas, qui annonce le cul … nu, signé, numéroté et portant, écrit à l’oxyde, la lettre B qui renseigne, je pense, sur l’émail utilisé. L’ensemble est à la fois doux et rude comme une pierre légèrement polie … très dense … lourd aussi : l'objet pèse à la main et semble indestructble.
Chez nous, les gens possèdent des bouteilles de Ger … anciennes bouteilles à cidre ou à calva (quoique le calva fut toujours conservé dans des récipients plus grands) fabriquées par milliers. J’ai toujours aimé ces bouteilles faites d’un tournage très rapide et sans repentir. La terre de Ger, plutôt brune, s’orne parfois (dans les cuissons très réductrices) du même gris que celui de la bouteille d’Alain.