le risque-tout
Il n’est pas d’enfournement que je fais,
sans un risque de total ratage. Et cela arrive bien souvent ! ça tient je crois, à ma façon de faire, ma façon d’émailler. Je réfléchis longtemps avant de poser les couleurs. Je cherche un sens global, une vision de la pièce terminée … ce qu’elle pourrait être dans le meilleur des cas. Puis j’organise mes gamelles d’émail et d’engobes. Je vérifie les densités, la viscosité au pinceau et j’imagine dans quel ordre il faut mettre les couleurs. Très rapidement, je passe de l’une à l’autre sans repentir, emporté par un élan quasi impossible à modérer. Je passe les mixtures les unes sur les autres, avant qu’elles ne sèchent. J’aime bien qu’elles puissent se mélanger dans le frais, alors qu’elles sont encore pâteuses et qu’elles échappent ainsi à toutes mes prévisions. C’est justement ce jeu-là qui me coute cher parfois. Ce petit jeu du risque tout.
Il ne s’agit pas de règles. Je ne dis pas qu’il faille faire comme ça ( je ne l'ai d'ailleurs jamais décidé), mais c’est comme ça que je fais, c’est en moi, c’est ma façon. Et quand je décide de changer ce rapport au temps, à l’accident, pour un projet particulier, je suis obligé de lutter et finalement malgré moi, les réflexes reviennent. Je ne peux faire autrement. De cette précipitation, naît toute la complexité des résultats. Les passages du mat au brillant, les mélanges de couleurs et de matières. Les ruptures et les refus. La lecture en devient plus incertaine et il faut bien souvent revenir plusieurs fois vers la pièce pour voir tout ce qui s’y joue.
Mais l'echec n'est jamais loin, et bien des pièces finissent au rebus.
image : 2 pots jaunes 2020