les bols de Koïe
J’ai reçu, il y a quelques jours le dernier catalogue publié par la galerie Erskine à Londres.
Page 34 y figure un ensemble de bols de Rioji Koïe. Du plus ancien que je me souvienne, j’ai toujours regardé le travail de Koïe … et en particulier les bols. Peu de gens font des bols … enfin je veux dire que peu de potiers font des bols qui au-delà de toute séduction s’offrent en vision d’un monde particulièrement complexe. Parmi ceux ci, il y a Rioji Koïe. J’ai eu le plaisir de le croiser - pas assez certainement- mais suffisamment pour goûter à toutes les richesses de cet homme truculent. Dominique Bajard, de retour du japon il y a près de trente ans, m’avait offert un livre sur son travail. Et régulièrement j’y revenais pour revoir tel bol ou tel autre pot (ses pots m’ont toujours plus impressionné que ses sculptures). Un galeriste japonais qui présente les bols de Koïe m’a dit un jour : ”Au Japon il y a les bols à thé et … les bols de Koïe”. On pourrait le dire aussi à propos d’Onisaburo Degushi. Et certainement aussi à propos de ceux d’Ewen Henderson présentés aussi par la galerie Erskine. Les bols de Koïe ont une face, toujours marquée d’un motif qui fait que le regard s’arrète sur ce détail nous obligeant à deviner le reste comme on en devine le cul sans le soulever. La forme tournée est toujours simple, robuste, "paysanne" et la lèvre dansante. ils sont à la fois nouveaux et porteur de toute notre histoire … plus proches de nous, finalement, que beaucoup de bols orientaux.
Tout le monde fait des bols, en tout cas tout le monde le dit et tout le monde tente de les faire au mieux . Mais peu sortent du lot. Les bols de Camille Virot me touchent toujours très profondément … les noirs encore plus que les blancs que j’aimais déjà tellement. Et puis il y a ceux de jean Pierre Viot et ceux d’Hervé Rousseau et ces merveilleux bols blancs que Claude Champy a tourné il y a quelques temps pour une exposition a Paris. J'ajouterais à cette liste quelques tasses sans anses de Jean Nicolas Gerard ... comme une frontière. J’en oublie, c’est sûr! … Tous ces gens mériteraient un numéro spécial d’Art press: ”au delà du bol”!!!
La semaine dernière, j’en ai recuit quelques uns cherchant une vibration particulière entre le rouge et le vert. Puis entre le vert et le noir … une histoire sans fin… comme me dit Michel Blachère de passage à l’atelier : ”je comprends maintenant que ce travail sur les bols est vraiment au centre de tout ton travail.” Il me permet en tout cas toujours de reprendre les choses par le début ... reconsidérer le monde par le commencement.