les équerres de Setsuko
Je ne la connais pas depuis longtemps, mais je regarde avec beaucoup d'intérêt son travail depuis le début des années 80. Je l'ai découvert lors de l' édition d'un catalogue aux éditions Olizane, dans lequel apparaissait une série d'images de mise en espace d'éléments en torchis qui m'impressionnaient beaucoup. Puis une photo de petites équerres en grès recouvert de terre à porcelaine plus ou moins fondue … Des sculptures simples comme des notes d'atelier. Cette image ou une partie de celle-ci était aussi dans le catalogue "terres" de Beaubourg (je crois me souvenir) , mais en noir et blanc .. ce qui la rendait plus dramatique encore. Mais peut -être n'étaient-ce pas exactement les mêmes équerres? Il y a deux ans, nous avons exposé ensemble et j'ai retrouvé dans ses pièces le caractère premier que j'ai toujours aimé dans les images que j'en connaissais … des formes élémentaires, des cuissons extrêmement simples sans grandiloquence, sans vanité. Et toujours le silence, quasi magique. Une qualité qui prend ses sources dans les fondements de la pratique, au début de l'histoire. Des formes peut -être vues mille fois, mais pour une fois, vraiment montrées dans toutes leurs mesures. Pas d'émail bavard, juste la terre et la fumée …et l'or parfois, qui nous rappelle la préciosité et le sérieux des temples.
La spiritualité des œuvres s'exprime par une présence particulière de l'espace qui l'entoure. La première fois que j'ai ressenti ça, c'est devant les petites sculptures de Giacometti … plus que les grands hommes qui marchent, les petits plâtres peints s'auréolent d'un vide d'une grande densité. Je ressens ça devant certaines pièces de setsuko…une présence silencieuse du vide… intense, tendu. Je pourrais citer quelques images de pièces qui m'ont ainsi toujours suivies. Des pièces que je n'ai jamais vues "en vrai" mais qui ont été capitales : des blocs rouges de B.Dejonghe, un bol vert et blanc Ryoji Koie, un autre bol de Ewen Henderson et tant d'autres … toutes des images de catalogues, des images de livres qui constituent finalement le monde dans lequel j'ai rêvé de vivre. La bibliothèque est le vestiaire de l'atelier: c'est là où je me prépare, là où le travail s'imagine dans la construction de filliations mentales idéales … puis vient le temps des mains.
Setsuko Nagasawa col ceramique d'aujourd'hui ed Olizane 1984
terres ed atelier des enfants beaubourg et Dessain et tolra 1982