une vie de potier
Une constante…
une addiction peut -être ? Peut-être est-ce juste une habitude ? Ou seulement l’unique façon de me contenter un peu du monde qui m’entoure ? Mais dès que les questions se posent, la première réponse qui me vient au bout des doigts est de faire des pots. Le projet est d’emblée défini : monter jusqu’au col, construire jusqu’à la lèvre… Comme au pied de la colline, quel que soit le chemin, le seul but est le sommet. Tous les chemins seront d’ailleurs considérables.
Covid aidant, je range … un petit peu ! et retrouve des pièces plus anciennes.
Des stations qui ponctuent trente ans, quarante ans de pratique.
Les plus anciens sont ces deux pots en torchis que je pense avoir fait vers 1985... des pots manifestes réalisés avec la terre du jardin. Il y a sous le potager une veine d’argile rouge. Le mélange de la terre arable et de cette argile produit une terre propre à bâtir. Ces pots ne sont jamais sortis de l’atelier. Ils n’ont jamais été exposés. Je n’ai jamais su trouver l’endroit où montrer de telles pièces. J’étais, quand je les ai faits, très empreint des démarches de l’arte povera, à chercher le sens des choses dans des pratiques issues des geste artisanaux. j'avais alors la sensation que la poterie pourrait être la fondation d'une pensée personnelle.
Les petit silos -1991- série fermée au torchis emmanchée d’un morceau de bois comme des petites barattes … ils contiennent tous un mélange de terre et de blé en grain. Je me souviens de la peur du conservateur du musée de Cherbourg devant ces pièces qu’il imaginait abriter des bêtes susceptibles de dévorer ses collections.
Je les ai quand même présentées, à côté des faïences de Rouen, moins dangereuses à ses yeux. Plus, aux miens !
Les urnes -2001- fermées d’une pierre pour clore le chemin d’un geste définitif.
Pour dire le poids et la gravité inhérente à cet objet fondamental. Les pots qui nous contiennent.
Il y a les pots pour vivre et les pots pour mourir.
Tous reflètent mes incertitudes.
Je continue à faire des pots … de plus en plus même. Contrant par-là les angoisses liées aux confinements à répétitions. L’expérience de la fabrication dans sa forme la plus simple, la moins problématique pour moi, conjure les questionnements existentiels.
Activité essentielle ? certainement pas ! Mais nécessaire, sans aucun doute.