allumer le feu

07 mar. 25

Il y a quelques mois,

je notais dans ce journal combien le décès de ma mère avait été difficile à accepter et comment mon travail en avait été bousculé pendant deux ans…
Impossible de cuire. J’avais repris les choses par de petites installations de poudre que je laissais disparaitre au vent après photographie… je mis alors en place un vocabulaire symbolique me servant d’argiles, de cendres, de charbon et même de sang séché, un travail éphémère qui refusait la pérennité du four.

Je suis, depuis un an, suivi par une psychologue pour tenter d’analyser les difficultés qui m’assaillent suite à la maladie… hier je lui contais ce passage de ma vie en faisant le rapprochement avec ce que je vis aujourd’hui… cela fait 16 mois que je n’ai rien sorti du four. Je me questionnais en direct sur le fait de revenir momentanément à ces petites installations…
« c’est sans doute l’effet mère » me dit-elle en souriant !
Je n’avais jamais fait ce rapprochement homophonique. Et compris sur le champ combien le four que j’ai toujours considéré comme le ventre de la création pouvait aussi prendre l’allure d’un tombeau lorsque l’idée de la mort s’en approche.
Le ventre froid.
Le lieu noir.
Il faut manger la terre pour que le ventre s’allume, me disait une stagiaire malienne m’expliquant ainsi pourquoi les femmes enceintes au pays mangeaient tous les jours de l’argile. Les ventres comme les fours s’allument pour construire les foyers.

La pérennité peut parfois devenir trop grave et à la céramique, j’ai instinctivement préféré le travail sur papier depuis l’annonce de la maladie. Dessins, carnets et autres cartes postales… je le constate maintenant… maintenant que tout semble aller de mieux en mieux. Maintenant que la lumière revient. Je peux enfin commencer à regarder en arrière et voir combien le travail suit sa propre évolution sans choix réfléchis, sans décisions. Dans l’urgence et la nécessité.
Je ne maîtrise pas grand-chose, à peine je décide. Je suis le cours des envies et me laisse porter.
Rallumer le four serait renaître alors.
Aujourd’hui, j’ai cuit un biscuit de tests pour reprendre tous mes émaux. Cela fait trop longtemps que j’ai arrêté pour imaginer retrouver tout par habitude. Les gamelles non marquées ont perdu leur signification, et je ne sais plus rien des épaisseurs et des viscosités. Plus de repères.
Je dois donc reprendre les couleurs à partir du blanc et du rose de la terre… tout reprendre à presque zéro.
Réinventer mon petit monde.

image; maison, technique mixte sur papier 40X60cm 2024