d'intimes bouleversements
texte lu lors du vernissage de l'exposition de Guebwiller
« Est ce ainsi que les hommes vivent ? » (*)
Les journées commencent toujours pareil : regarder dehors, voir le temps qu’il fait et écouter les oiseaux. Puis l’aller vers l’atelier … quelques mètres pour gouter la réalité. Pour tenter au moins de l’éprouver au plus près du corps vivant. Je reviens à la sculpture, dans son acception quasi traditionnelle, après l’avoir tant décriée : un volume travaillé, une pièce sur un socle. Juste l’entre voir de l’importance du vide, là où volent les oiseaux. L’importance de ces espaces vitaux cernés par la terre qui pourtant les fait vivre. Et l’importance de la couleur, ajoutée, variant le sens et parfois provoquant le sourire. La céramique est affaire de mains autant que d’yeux. Manier, manipuler et observer. Il y est question de notre position face à la croyance en une quelconque maîtrise du monde. Il y a pourtant tellement à faire à côté de ce faux pouvoir : provoquer les accidents, accepter les résultats tels qu’ils nous apparaissent, et surtout, prendre le temps de regarder. Regarder dehors … et puis dedans. Voir ce qui fait les petites gênes, ce qui provoque les émotions. Quelques frissons, quelques tremblements. Voir ce qui déjà nous projette dans le désir d’une autre pièce, d’un lendemain assuré d’un travail répété … refaire et refaire toujours. Reconstruire le fragile édifice d’une pensée manuelle difficile à évoquer. Les aller-retour constants, les remises en cause de résultats obtenus et les fulgurantes visions de ce qui fera la suite. L’atelier est le lieu des constructions oniriques, le lieu du cheminement. Tout y est toujours en cours, tout y est à faire … à bâtir de nos mains sans peur d’y provoquer d’intimes bouleversements.
« Le temps de rêver est bien court »(*)
(*) Louis Aragon