émailler des briques
06 aug. 14
Émailler des briques reste un des seuls moments un peu technique que je conserve dans mon travail …
La toute première cuisson que j’ai fait pour le mur de Roubaix, il y a dix ans, s’est avérée catastrophique … pas une brique entière. Toutes avaient cassé dans le four en une multitude de morceaux inutilisables. J’ai dû me rendre à l’évidence. Il fallait prendre en compte le fameux point quartz (le fameux retournement des cristaux) dont on nous parle dans les livres et que l’on oublie quand on cuit de la terre, car son passage est sans conséquences. C’était sans tenir compte du fait que les briques ne sont pas souvent en argile, mais en terre sableuse très riche en silice et contenant un fond argileux qui permet de les façonner. La présence forte de la silice augmente la dilatation. Les briquetiers le savent … les potiers l’oublient. Il m’a fallu donc décider d’une courbe théorique de cuisson et m’y tenir … dès lors, les cuissons se sont passées sans problèmes. Les émaux que j’utilise doivent aussi avoir un coefficient de dilatation qui correspond à celui des briques. Sinon ils sautent et se décrochent après le refroidissement … là, je ne peux le savoir que par l’expérience. Qui m’a fait, au fil du temps, abandonner certains d’entre eux (des bleus notamment). L’émaillage est fait au pinceau, couche après couche (4 sont nécessaires pour obtenir cet effet de couleur concentrée) elles sont passées en couches croisées avec un bref temps de séchage entre chaque passage. La brique est poreuse qui permet d’absorber l’eau de l’émail. J’ai pour ça choisi les briques à la briqueterie Lagrive, parmi celles qui ne sont pas trop cuites et qui restent ouvertes et tendres. C’est ce qui me permet d’accumuler les couches, et de recuire la brique sans qu’elle se fende davantage. Je joue beaucoup sur la superposition de deux couleurs … rouge sur rouge ou rouge sur jaune, jaune sur jaune ou vert sur jaune, bleu sur noir. Ça donne plus de corps au résultat. Je surcuis légèrement l’émail montant le four à 1050 ° en dix, onze heures, avec 12h de refroidissement derrière. Je ne peux me permettre beaucoup d’écarts à ces quelques règles, sous peine de ne rien sortir du four. Il me faut me contraindre et accepter un tant soit peu ces limites. Mais c’est ce qui donne le poids aux pièces modelées que je pose après sur ces briques (les moments) et qui les contredisent totalement … Celles que je viens d’émailler seront présentes dans l’installation de la prochaine exposition avec Anne Bulliot.