le calme après la tempête

10 mar. 16

L'intervention à Strasbourg est passée et tout se calme à nouveau en moi.

C'est toujours un grand tumulte à affronter, un grand moment de questions. Je n 'aurais jamais pu avoir un rôle de professeur. Trop de régularité, trop d'énergie à donner aussi, pour être au mieux, au plus près des attentes, et trop de doutes à gérer. Mais les moments de transmissions sont toujours importants, et je ne peux concevoir de les mener légèrement. Parler de la nécessité, montrer l'engagement et faire en sorte que les étudiants tentent de se sortir du formatage inhérent à toute situation "d'école". Le plus touchant quand ils me parlent de leur travail, c'est de voir la lutte engagée pour mettre en avant leur singularité ... le rêve de chacun d'exposer une part importante de son histoire, malgré les risques entrevus, malgré les difficultés de survies tant financières que mentales et malgré la conscience d'une solitude apeurante, jamais nichée très loin de nos envies. Mon rôle est peut être là : montrer que c'est possible. Pas simple mais possible! Et qu'avec le temps les choses se mettront en place, les peurs s'éloigneront face à l'accumulation du travail. Mon rôle est peut-être là: aider chacun à trouver les pistes à suivre qui décideront de leur vie à venir. Pas de maîtres ni d'élèves, mais l'exemple exposé d'une résistance à peine maîtrisée, bâtie au fil des expériences sur le refus constant. Sur l'impossibilité plutôt , de rentrer dans le rang. Pas plus que professeur, je n’ai pu être élève.

Le hasard (existe-t-il vraiment?) fait que je suis tombé sur les lettres de Rilke à Rodin, au cours de nos promenades à la cathédrale. J’y trouve écrit : "Ce n'est pas seulement pour faire une étude, que je suis venu chez vous, - c'était pour vous demander : comment faut-il vivre? et vous m'avez répondu: en travaillant. Et je comprends bien. Je sens que travailler c'est vivre sans mourir"

C'est bien - l'emphase en moins - ce que je voulais dire aux étudiants : rien ne se fera sans travail et sans expérimentation des pistes entrevues. Rien ne sera possible sans l’assiduité et la constante croyance en nos chemins. Même si ceux-çi paraissent par moment ne pas mener bien loin.

image : sculpture de D.Pontoreau photographiée à Strasbourg