la vie continue
la mise en couleurs des pièces est toujours difficile.
Mais là, c’est particulièrement ardu. Je Cherche à finaliser chaque pièce de telle manière qu’on puisse lire plusieurs histoires sur chacune. Qu’il fasse absolument tourner autour du pot pour en voir le déroulé complet du décor. Je crois que c’est la première fois que je parle sans complexe de décor. Toujours l'obsession de trouver un sens personnel à ce mot. La difficulté réside dans le fait que je cherche un décor qui ne soit pas décoratif, mais qui tente de rendre compte de la complexité du monde. C’est d’autant plus difficile que l’ambiance n’est pas à la légèreté. L’attentat contre Charlie et tout le flot de paroles qui a suivi sont un poids supplémentaire à devoir supporter. Il caille dans l’atelier et régulièrement, mes émaux sont gelés. J’ai l’impression de travailler dans l’adversité.
Michel Blachère est passé en début de semaine. Me rassurant et m’engageant à continuer… de toute façon, il n’y a que ça à faire : rester debout, et travailler jusqu’à ce que les résultats apparaissent. Je verrai bien ce que l’ensemble sera. Les derniers pots sont si ”compliqués”( on pourrait dire : riches) de décor, qu’ils ont du mal à se côtoyer et qu’il faut pour les voir, les séparer. J’aurai bientôt tout cuit et l’atelier est plein comme un oeuf. Ce brouhaha de formes et de couleurs est très déstabilisant : tout disparait dans l’accumulation. j’aimerais tout vider et je sais en même temps que j’ai besoin de ce trop plein … pour que mon regard se charge et que je puisse ainsi trouver les pistes des prochaines pièces à cuire. j’ai besoin d’être submergé, d’avoir la sensation d’étouffer pour aller chercher de l’air un peu plus loin. Ce fameux "coup de talon" au fond de la piscine, cette décision rapide qui fait tout basculer d'un coup et qui permet de continuer en décalant un tant soit peu le propos.
J’ai repris aujourd’hui les cuissons après un court intermède parisien. J’ai pu voir hier, l’exposition de Michel Muraour et Christiane Ainsley. Certaines pièces me rappelaient des pièces de Fontana … Il émane de tout ce travail, une émulation partagée qui fait du bien.
image : petite pièce de Michel Muraour et Christiane Ainsley. galerie XXI