Le musée dehors
Tous les jours je passais devant … en taxi.
Nous quittions le périf, traversions le quartier de la Guérinière, arrivions à la clinique pour la séance de rayons salvateurs. Tous les jours je voyais le blanc du conteneur. Sachant que les pots étaient là, posés au sol au milieu du quartier. Entre les barres d’immeubles.
Ça me faisait sourire, ça me rassurait. Rien ne s’arrête vraiment, rien n’est totalement stoppé. Le travail est encore montré, encore mis en avant pendant que l’on me soigne.
J’ai attrapé au vol cette proposition d’exposition alors que je venais d’apprendre la maladie. J’ai su tout de suite que c’était important. Qu’il fallait assurer la continuité. Assurer la présence pour conjurer le mal, faire comme si de rien n’était. Et envoyer paître ces putains de cellules envahissantes.
Il faut traiter le mal par le bien, prouver encore que le travail est plus fort. Seule la vie peut gagner. Seule, la vie.
Les chauffeurs de taxi me demandaient régulièrement :
- vous avez toujours une exposition là ?
- oui, bien sûr.
Mais jamais ils n’y sont allés voir. Les mondes se côtoient mais rarement se mêlent.
Je trouvais déjà bien qu’ils m’en parlent.
Puis une fois les rayons passés, j’y ai amené le groupe de la clinique… Sous le vent froid, la pluie.
Je n’ai pu dire que : « j’ai voulu parler de la poterie des morts » Pas très chaleureux. Mais voilà, c’est parce qu’on est vivants qu’on peut parler des morts. C’est pour ça que je continue.
Akeldama évoque les cimetières autant que les cours d’ateliers. Mais je n’ai jamais trouvé ça triste. Faire des urnes c’est encore faire des pots.
Puis nous sommes allés partager un repas au café d’à côté.
Vivants. Là nous sommes vivants à parler fraternellement de nos expériences, dans le bruit du Monde.
Aujourd’hui je retourne à la clinique et je retrouve au passage le conteneur blanc qui m’attend au bord de la route.
J’ai en tête de recuire quelques bols et quelques pots. Pour dire encore une fois que rien ne s’arrête.
Seule, la vie… seuls les pots, peut-être?
Le musée dehors est un projet protéiforme d’expositions dans l’espace public proposé par l’Unique