les bols d'à-coté
Si l’on ne garde du bol que sa fonction utilitaire,
alors ce que je fais est à-côté. Les objets que je produis et que je nomme « bols » sont des sujets de réflexion afférents à ma propre pratique, prenant en compte l’histoire et donc les objets iconiques qui s’y rattachent. Le bol en est, comme la brique ou le pot. Le bol en est certainement même le principal sujet. Mais il n’est plus question de s’en servir pour boire, il n’est d’ailleurs souvent pas possible d’y mettre un quelconque aliment.
Le format est aussi vague que radical : il doit tenir dans les mains. Le pied ancré dans la terre, la lèvre offerte au ciel. C’est dans cet entre-deux que le corps du bol trouve sa place, dans cet entre-deux que nos mains se posent pour le saisir. Dans cet entre-deux que se déroule l’espace bol. Il se lit à pleines mains comme on le fabrique, et tente par son émail de parler d’où il vient. De quelles influences, de quelles mythiques migrations. Tous les bols sont hybrides ; mâtinés cochons d’inde. Les mains qui le caressent voyagent accompagnées des images anciennes.
Bols à thé, bols à riz, bols à soupe, et grands bols en faïence des petits déjeuners, les formes sont empreintes de souvenirs personnels. Les voyages, les musées, les partages chez les potiers, mais aussi les falaises, les cailloux et les écorces arrachées. les pourritures de courges et les croutes de pain. Toutes les images leur collent à la peau. Les bols de pleine terre, de plain-pied. Ils viennent souvent de loin : d’une vision de la nature entrevue lors de promenades ou même parfois rêvée.
Bôlos, à l’origine signifie motte de terre. Cette acception a donné au bol le sens de terre fine. Il suffit de toucher ceux que je fais pour comprendre que là encore, je suis « à-côté » !
Le redoux annoncé est arrivé et déjà j’ai pu sortir les dernières pièces à sécher au soleil et au vent.
image: tas de bols et pots prêt pour le biscuit
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