les cloaques
C’est l’hiver.
On patauge dans la boue, dans la bouse des bêtes.
A chaque fois que je vais nourrir les bœufs les matins d’hiver, je repense à ce plan séquence de Bela Tarr à l'ouverture de Satantango. Un plan de 08mn dans lequel on ne voit que des vaches traverser la cour de la ferme dans la boue. La ferme semble plus ou moins abandonnée. On entend le vent et le temps s’étire lourdement. Le noir et blanc du film ajoute de l’épaisseur au drame qui semble se jouer.
Les bourbiers portent toute la mélancolie du monde et tous les hivers, ils nous rappellent à notre condition … enlisés, emboués dans la fange. Les bottes collées dans la merde, le visage fouetté par les pluies incessantes. Loin des clichés d’un bonheur romantique, loin des ciels bleus, la campagne porte aussi ces images de misère et d’adversité. Toutes les difficultés rencontrées face aux éléments que l’on ne peut dépasser. La traversée des champs demande un effort. Nous ne sommes maitres de rien. Nous essayons juste de nous tenir la tête hors de l’eau, et passons au travers des cloaques en essayant de ne pas nous laisser happer par la déprime qui les accompagne.
Il faudra bien, un jour, retrouver les lumières du printemps !