Les objets
d’abord trier ceux dont on va se séparer, puis ceux qui iront chez mes frères et sœurs et dont je garderai le souvenir, sachant où ils restent, enfin ceux que j’ai envie de garder … peu d’entre eux m’intéressent vraiment. Quelques céramiques art deco attisent ma curiosité. Mais je n’en garderai qu’une. Quelques outils, ou petits bancs bricolés … le bricolage reste, là aussi, ce qui me concerne le plus. Les objets de collections ne sont pas de mon gout … ils ne me parlent que de valeur numéraire, de commerce, et de prétention pour certains d'entre eux … les outils, eux, me parlent de mon père … J’utilise toujours dans l’atelier la première perceuse qu’il a acheté : une Peugeot de 150w, collector ! avec laquelle je mélange mes émaux et dont le design est typique des années 60. Je m’en sers comme je me sers des louches que j’ai ramenées de voyage. Chaque objet a sa propre histoire et émaille mon travail de son silence si chargé. La perceuse, elle, fait un bruit d’enfer et chaque fois que je la démarre, je le revois fabricant les rayonnages pour accueillir les livres de la maison.
Le silence des objets est d’un autre ordre et fait parfois peur au point que certains imaginent, lorsqu’ on les expose, les commenter pour que les visiteurs les « comprennent ».
Réunion l’autre soir avec un groupe de designers et artistes de la région pour tenter de monter un projet autour de l’objet. Je me suis opposé à ces précisions, à ces discours illustratifs qui semblent donner des clefs. Mais qui finalement ne sont là que pour rassurer. Nos histoires se construisent des rencontres avec les choses qui nous touchent le plus. Alors on cherche les mots. Mais les objets, eux, nous entrainent dans leur silence … « Nous sommes les otages du monde du muet » disait Ponge. Au delà du bruit de son moteur, la perceuse reste muette. Aucun mot n’en sortira ... et pourtant, tellement d’images.