les tempêtes
La tempête est passée
et nous en sommes à constater les dégâts.
La tempête souffle et je ne décide plus rien. Une fois les mots lancés, il faut composer et faire avec. La maladie est là, comme le sont les arbres tombés, elle est présente et vit sa vie. Sa vie de maladie qui forcément se fait à mes dépends.
Elle vit de moi. Je ne décide plus, je subis.
Je suis devenu patient ( Empr. au lat. patiens «qui supporte, endurant», part. prés. adjectivé de patior «souffrir, supporter, endurer».)
Les médecins disent et me donnent rendez-vous. J’attends leurs analyses, leurs décisions sans pouvoir agir sur quoi que ce soit.
Vivez normalement ! Travaillez !
Le travail devient alors la panacée, la seule voie possible.
J’ai préparé de la terre, acheté du gaz. Préparé du papier et trouvé les craies grasses qui me manquaient … tout est prêt pour les mois à venir.
Que je puisse travailler sans manquer, que je puisse décider sans entraves. Décider de ce que j’ai à faire sans rendre compte. Sans subir d’autres choses que mes habituelles angoisses.
L’atelier a toujours été le lieu de la vitalité, l’endroit des décisions où seul ce que je dis peut prendre forme. Il devient lieu de survie, de résurrection. Lieu d’existence.
L’atelier d’art de vivre.
Je travaille donc je suis.
Donc je serai.
Rien ne peut m’empêcher de faire. Personne ici ne peut me dire.
C’est une question de liberté, Ma liberté. Et surtout de puissance : Puissance de vie, puissance de décision. Tout ce que j’ai à faire est entre mes mains et ne concerne que moi. Ma vie se construit autour des sculptures, des pots, des dessins et des textes. Les seuls vrais rendez-vous sont avec la terre, avec le papier. Des rendez-vous intimes, l’outil en seul témoin.
Je prends alors des chemins vierges pour les explorer. Je les imagine, les éprouve. J’y pense constamment. Ils m’occupent et me font vivre. Ma vie entière est un territoire occupé par de constantes obsessions. L’inconnu répond aux protocoles stricts établis par la science. Le flou et l’incertain remplissent l’atelier et me permettent de respirer.
Enfin, respirer la poussière. Sentir le moisi des matières ; la vie incontrôlable.
Ce n’est pas de l’art thérapie. C’est juste Le travail. Mais il est maintenant devenu vital, nécessaire, indispensable à toute idée de prolongation. La réponse à l’impuissance.
Still alive! me disait Gordon.
No mort, never mort!
image: fond de culotte de travail 2023 Catherine Godderidge