manifestement

10 may. 23

Pour en finir avec les pots, et pour en faire toujours.

C’est comme une évidence, une injonction de la matière à l’atelier. Que faire d’autre ? et surtout : pourquoi ne pas en faire ? C’est juste pour leur régler leur compte que je les fends, les perce, les déchire. Qu’ils en perdent la fonction et attirent le regard par leur étrangeté.
Un pot qui fuit n’est plus un pot.
Il faut donc le lire autrement, le regarder différemment. L’attraper par les oreilles et lui tordre le col.
L’acte, à mon échelle, est manifeste, sacrilège et brutal. L’image du refus de faire juste pour faire. Sans pour autant en perdre le plaisir.
La mécanique des gestes. La répétition d’une histoire qui depuis 50 ans se déroule inlassablement. D’abord le fond, puis monter le corps et enfin caresser la lèvre.
J’aurais pu les mettre à l’envers, cul par-dessus tête ! Je choisis de les fendre, pousser la terre à ses limites : les cabosser et garder la forme juste avant qu’elle ne s’effondre.
Un pot cassé n’est plus un pot.
Il devient peut-être sculpture figurative ? Sculpture en forme de pot qui hurle ses déchirements. Et pourtant le fait de les trouer, de les graver donne accès à toute leur abstraction et peut-être plus encore.

« Renverser le motif, c’est une façon de conjuguer, figuration, abstraction et démarche conceptuelle «. G. Baselitz.

La lumière entre par les fentes pour voir enfin ce qui les fait : L’intérieur, le vide, le souffle sur lequel ils s’appuient, et le support qu’ils deviennent, à toute tentative.
Je pourrais les boucher, les remplir. Je les préfère fragiles. Forts et fragiles, exhibant les craques, les fissures qui obligent le regard à braver la surface pour mieux percevoir l’en dedans, le secret de l’en-corps.

Fabriqués par série : les organiques silos, Akeldama, les apsaras, le fracas du dehors, la somme-noir, je les préfère en groupe à supporter les uns, les fêlures des autres.

Image : série le fracas du dehors présentée à Argentona durant l’été 2022 (détail)