ne rien lâcher de nos croyances…
ni de nos obsessions.
Des paroles d’Anne Verdier l’autre soir rue Paul Fort - vernissage, beaucoup de monde - et ces quelques mots à propos des bols exposés galerie XXI. Des mots qui prouvent que certains y voient un peu plus clair que les autres … que certains, regardent. ‘C’est comme si tu avais tout enlevé, tout ce qui peut y avoir d’anecdotique” me dit elle ”comme s’il ne restait que l’essentiel”.
C’est comme ça que j’ai toujours voulu les faire; comme des pièces qui parleraient des gestes premiers. Des pièces radicales tant dans leurs formes que dans leurs formats. Je sais que bien souvent ils ne sont lus que comme de petites pièces pas trop chères. Mais pour moi ces bols sont vraiment à l’origine de tout mon travail … aux racines. Et j’ai, en les faisant, l’impression de labourer profond. D’aller voir au départ. Je sais bien que mes proches les regardent, ces bols, je sais qu’ils les éprouvent autant qu’ils les comprennent. Mais d’entendre Anne énoncer tout ce sur quoi je me questionne, de l’entendre reprendre un à un les points sur lesquels je tente de trouver des solutions à chaque pièce, me touche particulièrement. ”Le pied est beau, aussi” Il y a quelques années, j’ai pris la décisions de ne jamais contrarier la forme par une intervention brutale sur le pied … trouver un geste qui se situerait au contraire du tournassage. Juste un geste de l’index qui fait le tour du pied en marquant le départ du corps. Une caresse un peu appuyée qui laisse apparente la trace du doigt sur la terre nue encore souple. Ces décisions je les reconsidère à chaque bol, je les re-précise et les remets parfois en question.”Et le blanc présent à l’intérieur…” l’intérieur des bols est comme une mare dans laquelle se reflète le ciel. Un peu de terre visible, un peu d’émail liquide et un peu du blanc des nuages… paysage intérieur contraint par les bords. Espace limité où le regard circule en cercles remontant vers les lèvres ouvertes sur l'espace.
Tous ces points, Anne les énumère, comme je les passe en revue lorsque je travaille.. proposant à chaque fois une nouvelle façon d’appréhender le monde. Souvent issue d’une image furtive, une pierre, un morceau de bois, la mer dans les rochers, un ciel contrarié, Parfois issu aussi de la rencontre avec un pot ancien qui me montre d’un coup comment poser l’émail. Chaque pièce est alors envisagée point par point: le décor, la forme, le format, la lèvre, le corps, le pied, la chair, la peau ..chaque bol est déshabillé pour qu’il n’en reste qu’une ébauche qui laisserait ouvert tout le champ des possibles. Ce travail, je sais que j’ai à le faire, et rien jusque là ne justifie que je l’arrête.
image: bol 2014