panne de kaolin
Obligé de prendre la déviation.
Je tombe en panne de Kaolin alors que tout est fermé. 15 aout et vacances.
Je n’ai pas fait attention et ai vidé le sac sans compter. Le kaolin est la base de tous mes engobes et je dois résoudre l’émaillage des vases d’ici début septembre. Je reprends donc tout par le début et je vais essayer de travailler avec cette argile blanche extraite en Angleterre juste avant la fermeture des carrières. La « china clay » utilisée par Wedgwood, rapportée par Gordon comme un dernier trophée. J’ai hérité de cette fortune quand il a fallu vider son atelier et je l’ai peu utilisée jusqu’ici.
Plus siliceuse que notre kaolin du Morbihan elle est aussi plus fusible. Il faut donc reprendre les dosages. Les premiers résultats m’entrainent vite vers de petits changements. Les qualités varient. Il faut trouver les recettes et que le regard s’y fasse.
Il m’est déjà arrivé de re-bricoler un peu mes engobes. Pour remonter la température de cuisson et les rendre plus solides. Un visiteur de la galerie XXI à Paris m’a dit alors, qu’il trouvait que quelque chose avait changé. Ça m’a surpris de voir que certains discernent à ce point les choses. La différence était vraiment minime. Quelle précision. On voit tellement de gens passer à côté, discuter devant le travail sans y jeter un regard. On ne sait jamais bien ce que les autres voient. Mais on est des fois étonné par l’acuité des amateurs.
Il y a des années, j’avais accroché un ensemble de pièces au mur d’un restaurant d’une collectivité. Un jour que j’y passais revoir l’accrochage, une des femmes de ménage m’a raconté comment les premiers rayons de soleil du matin venaient frapper une des pièces et comment elle se mettait alors à briller. J’entendais tellement de plaisir dans ce qu’elle me disait que je trouvais là, la justification entière de ce travail. Je l’avais bel et bien accroché pour elle. Et cela me comblait.
Il y a peu de personnes pour qui on travaille. Une dizaine disait Borges. Les quelques-uns qui savent regarder, les quelques-uns qui verront les petits changements apportés aux engobes et qui sauront d’emblée qu’ils font partie de la « famille ». Car ils partageront le secret.
Ils sauront.
Ils verront.
Je reprends les cuissons quotidiennes pour rapidement faire un premier train d’essais. Puis j’attaquerai réellement l’émaillage à partir des résultats. Je n’avais pas prévu ce petit coup de stress ! Mais pouvais-je rêver, au final, d'une telle aventure ?
Un peu énervante quand même !
image: "C'est l"heure de la sieste !" me dit Céline en passant devant les pots couchés au soleil