c'est en place
L’exposition de La borne est en place.
Il en suit toujours un grand vide, une infinie vacance.
Habituellement je tombe malade les lendemains de vernissage. Le corps lâche après des jours et des jours de tensions. Mais d’année en année j’arrive petit à petit à résister. Et puis, à peine rentré je dois me remettre au travail pour finaliser les vases de la prochaine exposition. Donc le mal attendra encore quelques semaines.
J’ai fait trois lectures pour ponctuer l’ouverture de La borne.
Une de trop certainement. Un sentiment de répétition qui m’a fait me prendre un peu les pieds dans le tapis. J’ai sauté un texte et perdu de la clarté. L’audience pourtant était présente. Les gens semblent toujours intéressés quand je lis. Ils entendent souvent ce qu’ils perçoivent sourdement de leurs hésitations et de leurs questions. Perdus par les difficultés qu’ils rencontrent dans leur travail, beaucoup finissent par n’avoir que des réponses techniques. Ils produisent à en oublier le sens premier, à en oublier ce qui les a amené à faire de tels choix. L’âpreté du quotidien les mange. L’écriture porte en elle le temps nécessaire au recul. Elle oblige le pas de côté et influe finalement sur les décisions à prendre. M’obligeant à ne pas trahir. C’est comme une règle que je m’impose : Ce qui est dit est dit. Je dis ce que je fais, et fais ce que je dis. C’est là, le chemin des artistes. Même si, bien des fois, la réalité de la pratique m’oblige à composer. Je dois comprendre alors ce que je peux lâcher. Pas de fausse rigueur, pas de fierté. Il faut juste servir les œuvres dans leurs complexités et dans leurs capacités à s’échapper du monde prévu. Me dire que tout ça me dépasse un peu.
Le travail ne résout rien, il questionne encore et encore. Mais il n’y a pas de réponses à trouver.
Les deux installations que je présente à la borne me semblent en place. Il en naît comme une vibration particulière. On dit alors que ça fonctionne car on ne sait mettre les mots sur ce qui se passe réellement. Les objets se mettent à vivre et témoignent de tout leur sens. ils entrent en relation et donne de la densité à l’espace d’exposition. C’est cette sensation que je cherche… en tant qu'auteur, mais en tant que visiteur aussi.
Il y a vingt ans je présentais « l’une et l’autre main » dans ce qui était l’ancêtre du centre de céramique : l’école publique. J’en garde un très beau souvenir. « Akeldama -l’atelier » ajoute je crois, à ma présence, un peu de gravité.
image: pain cuit par Bernard David dans un bol que je lui avais offert lors de mon premier passage à La Borne. Un pain qu'il m'offre en retour.