Le petit four
Elle m’avait transmis ce petit four à gaz,
avant de s’éloigner du monde.
Depuis un peu plus d’un an, le rythme des cuissons a changé avec l’utilisation systématique de ce four… cuissons rapides et défournements dans la foulée. La cuisson reste le moment de cristallisation des expériences. Transformations, passages au feu, changements d’état des matières. La pièce n’est pas en soi le but, mais elle s’impose comme la fin d’une histoire.
Si je fais des choses c’est pour jouer avec la terre et tenter des fusions.
Et chercher quel sens tout ça pourrait prendre.
D’aucuns font de la céramique pour créer des objets. Moi, c’est pour faire de la céramique que je crée des objets.
C’est le processus qui m’intéresse. Modeler, cuire… faire quoiqu’il se passe. Faire, pour qu’il se passe quelque chose d’imprévu, de surprenant. Mettre en branle les matériaux du monde. Et construire avec eux l’image de mon histoire.
Faire pour que s’échappent les projets et qu’ils prennent corps au-delà de toute intention. Les pièces qui en résultent ne sont que des témoins. Des résidus, disait Man ray.
Mais c’est s’offrir à la douleur, chercher les emmerdes que de ne jamais vouloir refaire. Prendre le risque amer de l’insatisfaction. Se heurter aux murs de l’échec.
Je perds beaucoup de pièces en route. Soit, elles ne trouvent pas de fin, soit, je les rate vraiment et les rends illisibles. La tessonnière s’agrandit plus vite que je ne le voudrais !
« Ne demande jamais ton chemin à celui qui le connait, tu risquerais de ne pas t’égarer » (°)
Cette phrase qui résonne dans l’atelier, voudrait me donner raison. Mais le prix à payer, une fois le sourire passé, est l’incertitude, le doute, et l’intranquilité.
(°) Rabin Nahman de Bratslav
Image : deux petites pierres de colza- 2021