les gondolés
De La lenteur du pinceau dépend la sensibilité du trait.
Les peintres chinois parlent de souffle.
La pression sur le papier varie au cours du déroulé. Une légère rotation entre les doigts permet de vider la brosse de toute la peinture contenue. Le motif (le parcours) se décide au fur et à mesure ; rien n’est prévu d’avance. Le dessin se forme devant mes mains. Le papier, fin, se déforme et absorbe les matières.
J’ai fini cette ramette trouvée dans la maison de Thérèse. C’est du vieux papier machine tellement fin qu’il devait percer régulièrement à la frappe. Un anti - papier aquarelle de format inhabituel (20,6 x 26,5 cm). Il prend l’encre et les couleurs comme il peut, à son grain défendant visiblement, mais j’aime l’idée qu’il n’y a pas de mauvais papier, comme il n’y a pas de mauvaise couleur. Celui-ci permet de dessiner des deux côtés et de profiter des transparences offertes à l’œil. J’ai pris la décision de dessiner l’ensemble du tas (à peu près 80 feuilles), puisqu’on se séparait de la maison. Une façon de finir l’histoire. Comme pour la vente du bien : en terminer par les papiers.
Ils étaient restés vierges depuis deux ou trois générations, ils attendaient. Une fois peints, Ils se retrouvent fripés, gondolés. Il faudrait les mettre sous presse, mais j’aime ce passage à la troisième dimension qui les font entrer dans le monde des choses. Le dessin prend là un très léger volume et devient véritablement un objet de papier.
On le sent vibrant, crispé… encore vivant.