les vases
pour l'expo du Don Du Fel
« Le vase du potier contient l’espace qu’on lui donne. Le vase du sculpteur contient ce qu’on lui a enlevé. »
Isha Schwaller de Lubicz
Je voulais les faire de terre rouge.
Cuits en basse température pour en garder la fragilité.
Les petites variations de cuissons balayent la gamme des roses plus ou moins foncés, se rapprochant des couleurs de notre peau.
Je voulais faire des vases qui parleraient des vases, pas des fleurs … qui parleraient des pots comme on parle de nous, évoquant le souvenir du vas provençal qui fut notre tombeau. Il reste le silence d’un volume contenu. Il reste la gravité d’un récipient qui changera de statut passant du vase à l’urne, une fois la mort annoncée.
Difficile de faire ça en toute légèreté !
Je les ai faits de terre rouge. Celle qui dort sous le jardin et qui fait nos prairies grasses. La terre à pots de fleurs, la terre à briques grossière qui refuse le détail et va à l’essentiel. Pas de chichis, pas de lyrisme, le vase est construit de quelques colombins pincés avec vigueur. Vite fait, pour échapper à la pensée.
La brutalité entraine parfois la déchirure. Peu importe : la forme naît des mains, pas de la tête et tout restera inscrit de son histoire. Le vase vient d’une vision. Le pied, la panse, l’épaule, l’image du corps qui se dessine. La lèvre à l’origine d’un monde mystérieux. En ça, il nous ressemble, le vase d’élection.
Je voulais les émailler, apporter à la porosité du corps l’impact des fusions.
Revoir les poteries du Pré d’Auge.
Les couleurs nous renvoient forcément au monde de la peinture. Alors comment montrer l’autonomie du décor ? L’histoire est différente. Les références aussi. Au contraire d’un maquillage abusif, je l’amène à minima. Juste ce qu’il faut pour que la terre se charge du souvenir des ciels et des jardins. Quelques touches qui pourraient être un départ … le désir d’un autre vase !
Éviter l’exploit : pas de grands émaux classiques, juste des couleurs étalées, épaisses, simples et sans noblesse. Des mélanges préparés dans les poussières de l’atelier. Posés avec mes vieux pinceaux. Ceux que j’ai fait avec les queues des poneys. Bricolage à tout crin. L’approximation du matériel oblige à lâcher le résultat. Rien n’est prévisible des transformations à venir.
Je cuis et je regarde… je recuis et je garde. Parfois.
Je veux juste suggérer, montrer ce que ce pourrait être. Les objets que je fabrique ne peuvent être des réponses. Ils posent encore et encore les questions : Est-ce vraiment un vase ? Est-ce là, un décor ?
- Tu as raison ! Me dit François en prenant à pleines mains le petit vase émaillé de touches rouges et oranges, - le bouquet doit être sur le vase et non dedans.
Alors finalement, nous parlerons quand même des fleurs !