Kitchissime

Toutes ces pièces kitches que je vois émerger m'énervent un peu je dois dire, même si j'essaie de considérer cette tendance comme appartenant à la nouvelle génération. Il est évident que les céramistes  présents dans les lieux d'expositions actuellement n'arrivent pas avec la même histoire que moi : Ils sont dégagés, pensent-ils, du poids de l'artisanat, alors que moi, précisément je viens de ce ventre là. Mais qu'est-ce que tout ça veut dire? Sortir de cette soi-disant esthétique artisanale pour montrer une esthétique de manufacture, là où les ouvriers crevaient de maladies professionnelles  bouffés par le plomb ou la silicose. Je n'ai jamais aimé ces ateliers. Je n'aime pas ce côté propre et irréprochable des pièces qui en sortaient;  objets de la réussite. J'y préfère  l'accident, la dégoulinure, la fente et l'effondrement. Je préfère montrer des matières mal cuites, pas fondues ou trop, mais toujours en mutation, je préfère le mouvement. Je veux goûter l'aventure et le non assuré, le non prévu.  J'attends d' être déstabilisé par la pièce qui sort du four, me cueillant là où je ne m'y attendais pas. Je veux l'à peu près, l'approximatif, Je veux vivre chaque pièce comme une tentative  plutôt que de me trouver face à ces objets brillants, clinquants  ne me parlant que de morbide immobilité, que de résultats commercialisables, céramique de vendus!. Car loin d'un mouvement artistique c'est simplement un marché qui s'organise autour d'une esthétique, celle du lisse et du bien pensant. Marché défini uniquement par des commerçants qui, parfaitement inscrits dans ces temps de libéralisme méprisant aimeraient nous expliquer ce que sera  la céramique de demain. Celle des plues-values, celle des spéculations, celle qui fera de belles expositions dans de beaux lieux remplis d'artistes "bankable" répondant poliment à des galeristes qui connaissent, c'est sûr, de grands collectionneurs qui rempliront les palais italiens ... tout ça m'écoeure;  tout ça est tellement loin de la réalité du travail, tellement loin de nos hésitations, de nos ratures, loin de nos tremblements.
C'est vrai, je préfère l'odeur des ateliers à celle des centres d'art désinfectés, j'aime la terre qui sent ! j'aime cette pourriture qui la fleurit, j'aime qu'elle me parle de vie, de mort et d'instants lumineux. Chaque sculpture que je fais est, pour moi, une renaissance, chaque pièce me pousse un peu plus loin, lentement, profondément, irrémédiablement. Loin de ce monde de pacotille, loin des brillances et des arrogantes carrières affirmées me rapprochant du même pas de ceux que j'aime... ceux qui rêvent et qui refusent, ceux qui au fond d'eux mêmes réveillent les vieilles utopies trop vites enterrées par des commentateurs avides de célébrité.

 

PG octobre 2009