de l'émail (avril 1998)
Puisqu'un jour on décide d'émailler, faudra-t-il toujours le faire sans conséquences? La volonté de trouver un émail achevant nos terres à cuire, nous amène aux confins des laboratoires, rêvant je ne sais quelle formule chimique magique, qui en tout cas résoudrait nos problèmes.
Mais comment parler de molécules dans mon atelier où les kilos de poussière ne se confrontent qu'à l'imprécision de mes balances? Et comment se tenir à une démarche scientifique, alors que l'empirisme et l'hésitation demeurent fondements de mon travail.
Que la chimie reste aux labos et nous affineront nos pratiques loin de l'immaculée conception. Les partis pris dans la pose, et le choix des outils,resteront toujours plus importants que la recette elle-même.
L'émaillage est affaire de décisions successives et non de précisions cliniques, car c'est de sens dont il s'agit et non de règles techniques et esthétiques. Et si l'émail doit couler, qu'il coule! et s'il doit buller, qu'il bulle boursoufle et s'écaille jusqu'au-delà des limites soi-disant définies!
L'émail n'est beau que s'il est juste, que s'il ajoute aux tendresses de la terre des images de fusion. Il nous faudra alors le regarder en témoin des tumultes auxquels il fut confié et non en résultat d'une longue et laborieuse recherche ne passionnant que le chercheur.Alors chaque jour, réajustons nos faons de faire pour œuvrer au plus près de nos sentiments et tous les matins, sans jamais s'arrêter, retournons à l'atelier comme un obligatoire réflexe.
Philippe Godderidge