Homo erectus, homo faber
Homo erectus, homo faber.
Si je fais une brique avec la terre de chez moi, dans un moule taillé à la longueur de mon pied, et que je la cuis, à la sortie du four elle mesurera 22 cm … Standard européen …
Toute la production céramique est en relation directe à notre corps, puisqu’elle en émane … Briques « fait main »… Alors, tout est affaire d’autoportrait.
La boutisse dans la main et la panneresse sous le pied, j’ai rêvé de maisons émaillées. J’aurais voulu creuser des grottes, briqueter les montagnes, faire des pieds et des mains pour vivre sur la terre et mourir en son sein… Y construire ma maison, habiter abrité. J’aurais voulu faire des briques de chair, les cuire et les manger. J’ai même imaginé construire des murs et me cacher derrière, vaincre la peur du feu, terrasser mes dragons… J’ai fait des briques à mes pieds, des bols à mes mains et des jarres à mon ventre. « Bienvenue à la maison ! » J’ai voulu maçonner des temples, juste pour les offrandes, ouvrir des fours au scalpel, en sortir ces maisons qui tiennent dans la main, les poser sur le sol. … Minuscules foyers… Les laisser basculer.
Juste à côté de chez moi, une maison de terre se ruine, s’écroule doucement, retourne d’où elle vient essayant de ne laisser de souvenirs que dans les ronces qui y poussent. La ronce et l’ortie nous suivent de près, envahissent les lieux que l’on oublie, se nourrissant de l’ancien adobe, elles colonisent, nous repoussant de leurs terres gagnées, agressives, irritantes. J’ai voulu les déraciner, défricher, re-fouler cette terre, remonter les murs et rallumer le feu là où reste visible la place de la cheminée : terre cuite où cuisiner. Refaire les briques, les empiler… Re-planter le jardin et m’y coucher … Rêver alors de fabriques improbables, de grandes meules à cuire, de fumées étouffantes… Rêver de matins calmes auprès du four lorsque la lumière pointe et que le vent s’apaise, c’est le temps que choisissent les merles et les grives, l’heure où l’on se lève, l’instant des érections. Je ne saurai jamais finalement, si je fais des briques ou si elles mêmes me font.
P.G.