Manière d'être
L’atelier est un vrai capharnaüm (*), un lieu de dépôt où s’entassent les rêves et les réalisations.
C’est à partir de toutes ces choses empilées dans ce bazar fertile que je construis.
« A partir », c’est-à-dire que tout ceci est un commencement, la porte d’entrée d’un univers singulier empli de doutes et de questions.
J’essaie de travailler avant même de savoir ce que j’ai à faire, sculpter à pleines mains avant de penser aux outils qu’il faudrait utiliser. Ne pas imaginer et juste se mettre au travail. Le travail génère le travail, c’est tout ce que je peux en dire ; La vie génère la vie. C’est une spirale logique et inéluctable qui me pousse de pièce en pièce, avec à chaque fois le désir de quelque chose d’autre qui résoudrait peut - être mes interrogations. Alors je continue, je refais un pas, plus loin.
Je refais un pot
Je fabrique et ça ne peut être autrement. Je ne peux penser qu’à l’aide de mes mains. Il ne s’agit pas de produire pour ajouter au monde un poids d’objets inconséquents, il s’agit de tenter d’en éclairer quelques recoins par une mise en forme systématique des percepts.
Présent, je suis aux aguets. Je ne peux que regarder et tenter de saisir ce que je vois, ce que je ressens. Je capte et je réorganise les résidus pour construire un monde à ma façon. Un monde de restes. Les laisses de vie. Chaque pièce n’en serait qu’un détail, chaque installation aussi. L’ensemble aussi peut-être ?
Tout s’établit dans la lenteur d’un temps pendant lequel l’idée d’une quelconque rentabilisation s’évanouit. Seul compte l’acharnement, l’obsession qui mènera la forme plus loin qu’elle ne semblait se dessiner. Pas d’imagination, pas de talent, mais la répétition de gestes obstinés qui finalement m’ouvriront les yeux vers des paysages encore inconnus. L’intuition d’une possibilité.
Je ne sais pas où je vais, mais rien ne m’arrête.
Quand je travaille je sais ce que je suis. Et je passe mon temps à essayer de retrouver ces quelques secondes de contentement que j’ai pu vivre à l’ouverture d’un four devant une pièce qui, m’échappant, aurait su trouver une autonomie pour quelques instants.
Il y a au milieu de tout ça quelques embellies, quelques moments de joie où mes croyances s’étayent sur des sous-sols fuyants. La vibration d’une ligne, un accord de couleurs entrevu et d’un seul coup on pense savoir faire.
On croit que l’on comprend, alors on tente la répétition … qui n’aboutira pas ou si peu. Car rien finalement ne se résout par le savoir.
Je ne sais pas, j’essaie. L’expérimentation seule peut approcher le besoin de retrouver les sensations. Je fais, je tente et parfois je garde.
L’exposition est une tentative de sauvetage.
La mise en place d’une hypothèse
(*) Capharnaüm est le nom biblique d’un village situé sur les rives du lac de Tibériade. C’était le village du prophète Nahum. En hébreu capharnaüm signifie le village du consolateur.
P.G.