des pots (novembre 1997)
Loin des serviles habitudes, faire des pots dont il ne resterait qu'une idée: une relation formelle entre intérieur et extérieur que seul dans l'atelier on réglerait avec plus ou moins de tendresse, de violence et d'obsession. Les miens seront durs, agressifs à blesser les mains et heurter les regards. ?loignés même des rigoureuses tensions qui parait-il devraient les construire, déchirés et mous, ne sachant se défendre de la force du tour que par échappatoires. Témoins des interrogations et des cheminements douteux, posés juste pour assouvir un inévitable besoin de trace, et illustrer là une certaine idée de la fragilité. Sous prétextes d'utilité, devraient-ils être tristes? Devraient-ils se morfondre dans le souvenir des grands anciens et ne plus exister que pour des raisons de commerce? Laissons aux industriels le soin de faire des pièces qui passeront leurs vies, élégantes, sur le haut du buffet, images de modes insouciantes nous laissant croire que le monde est beau, et occupons nous d'en faire qui ne seraient que cris, inscription de nos peurs et nos colères. Tournons, modelons, fabriquons des pots malpolis, des "gros pots", écorces de trous aux obscènes tourbillons obligeant le regard à en scruter le fond, des pots manifestes, vivants et sales pour surtout ne jamais s'arrêter et tous les matins retourner à l'atelier comme un obligatoire réflexe.
Philippe Godderidge